Les sanctions en cas de non-tenue du registre des mouvements de titres
Le registre des mouvements de titres est un document fondamental pour les sociétés par actions simplifiées (SAS) et anonymes (SA). Obligatoire, il consigne toutes les transactions qui affectent le capital social afin d’assurer la traçabilité, la transparence et la sécurité des opérations pour les actionnaires et les investisseurs. Mais qu’en est-il lorsque cette obligation légale n’est pas respectée ? Quelles sont les conséquences pratiques et juridiques de l’absence ou de la mauvaise tenue du registre ? Ubikap explore les risques encourus, les solutions disponibles et les bonnes pratiques à adopter pour éviter les litiges.Pourquoi est-il essentiel de tenir un registre des mouvements de titres ?
Définition et rôle du registre
Le registre des mouvements de titres joue un rôle central dans la gestion des sociétés par actions. Il assure le suivi des transferts de propriété des titres en documentant chaque mouvement qui affecte les actions ou les parts sociales (cessions, donations, etc.). Dans la mesure où il garantit la traçabilité et l’opposabilité des mouvements, ce registre constitue une preuve essentielle en cas de litige.Objectifs principaux
Le registre des mouvements de titres remplit plusieurs objectifs :- preuve de propriété : sans ce document, un actionnaire pourrait avoir du mal à prouver qu’il détient des actions ;
- validité des opérations : la non-inscription d’un mouvement peut entraîner la nullité d’un contrat de cession d’actions ou d’autres opérations liées au capital ;
- répartition du capital : le registre assure une vue claire et actualisée de la répartition des titres entre les actionnaires.
Cadre légal
Le registre des mouvements de titres est encadré par le Code de commerce et notamment l’article L228-1 qui impose aux sociétés par actions de consigner chaque déclaration des mouvements de titres pour renforcer la transparence vis-à-vis des actionnaires et des tiers et contribuer à la gouvernance d’entreprise en fournissant des informations fiables sur l’actionnariat .Conséquences pratiques de la non-tenue du registre
Risque pour la validité des transferts de titres
En l’absence d’inscription en compte rigoureuse, la validité des transferts de propriété de titres est compromise et les mouvements peuvent être contestés. Cela peut conduire à l’invalidation des transactions et compliquer la gestion des actions. Par exemple, lors d’un litige entre actionnaires, l’opposabilité des opérations devient difficile à démontrer.Impact sur les opérations de la société
Un registre incomplet ou inexistant peut également poser problème en cas d’audits ou de due diligence dans le cadre de fusions, d’acquisitions ou de levées de fonds.Atteinte à la réputation de l’entreprise
La non-tenue du registre peut nuire à la transparence, affecter la crédibilité de la société et compromettre la relation de confiance qui l’unit à ses investisseurs et à ses partenaires financiers. Cette situation pourrait freiner le développement de l’entreprise.Les risques juridiques associés à l’absence de registre
Absence de sanctions pénales ou administratives directes
Contrairement à d’autres manquements, l’absence de registre des mouvements de titres n'entraîne pas directement de sanctions pénales ou administratives. En effet, les dispositions du Code de commerce ne prévoient rien en la matière. Toutefois, les conséquences indirectes peuvent être lourdes pour la société.Sanctions civiles et contentieuses potentielles
En cas de litige, la non-tenue du registre peut entraîner :- la nullité des transferts de titres : les transactions non enregistrées sont susceptibles d’être contestées ;
- des difficultés dans le cadre de procédures judiciaires : l’absence de preuves tangibles complique la défense des droits de la société ou des actionnaires en cas de litige.
Exemples jurisprudentiels
Certaines décisions de justice ont invalidé des transferts faute d’enregistrement adéquat, ce qui met en lumière l’importance du registre des mouvements de titres dans la sécurisation des opérations.Validité de la cession sans ordre de mouvement formel
Dans un arrêt du 18 septembre 2024, (Com, 18 septembre 2024, n° 22-18.436), la Cour de cassation a confirmé qu'une cession d'actions peut être valide même en l'absence d'un ordre de mouvement formel, à condition que les informations nécessaires soient correctement enregistrées dans le registre. Dans cette affaire, une cession avait été réalisée via un formulaire Cerfa, utilisé pour l'enregistrement fiscal des cessions de droits sociaux. Bien que les statuts de la société exigeaient un ordre de mouvement signé, la Cour a jugé que le formulaire, signé par le cédant et contenant toutes les informations requises, valait ordre de mouvement. Ainsi, l'inscription de la cession au registre des mouvements de titres et au compte d'actionnaire était régulière et validait le transfert de propriété.Opposabilité du transfert à la société
Dans une autre décision du même jour (Com, 18 septembre 2024, n° 23-10.455), la haute juridiction a précisé que, pour être opposable à la société, le transfert d'actions doit respecter les formalités d'inscription en compte. Dans cette affaire, une personne avait cédé une participation majoritaire dans une SAS mais le transfert n'avait pas été inscrit dans les comptes de la société. La Cour a rappelé que, selon le Code de commerce, la propriété des actions est transférée par l'inscription en compte au nom de l'acquéreur. Faute de cette inscription, le transfert n'était pas opposable à la société et les cessionnaires ne pouvaient pas être valablement reconnus comme actionnaires.Influence de la dématérialisation sur la tenue du registre
Réglementation sur la dématérialisation
Depuis quelques années, la dématérialisation des registres est autorisée par la loi. Elle influence profondément la tenue du registre des mouvements de titres et offre une alternative moderne au format papier. Les dispositifs d’enregistrement électronique partagé (DEEP), comme la blockchain, assurent en effet une traçabilité renforcée.Avantages de la dématérialisation
Les avantages du registre des mouvements de titres dématérialisés sont nombreux :- Sécurité accrue des données : réduction des fraudes grâce à un horodatage infalsifiable ;
- Accessibilité : consultation facilitée pour les actionnaires et les tiers autorisés ;
- Efficacité : suppression de l’obligation de faire coter et parapher le registre au greffe du tribunal de commerce comme c’est le cas pour le régistre papier ;
- Réduction des erreurs : automatisation des inscriptions pour limiter les omissions et doublons ;
- Mise à jour en temps réel : actualisation instantanée des données après chaque mouvement ;
- etc.
Quelles informations doivent figurer dans le registre des mouvements de titres ?
Mentions obligatoires selon le Code de commerce
Le registre doit inclure des informations essentielles telles que :- l’identité des cédants et des cessionnaires ;
- la nature des opérations (cession, donation, augmentation de capital, nantissement, etc.) ;
- la quantité et la valeur nominale des titres transférés ;
- la date précise de chaque mouvement.
Régime spécifique pour les titres dématérialisés
En cas de registre numérique, des métadonnées liées à la blockchain peuvent être ajoutées pour renforcer la sécurité des inscriptions, aussi il est nécessaire d’inscrire chaque mouvement dans un dispositif d’enregistrement électronique afin de garantir l’historique des titres.Sanctions en cas d’erreurs ou d’omissions dans les mentions
Toute omission peut exposer l’entreprise à des risques de litige ou à une invalidation des mouvements non correctement consignés.Conseils pour assurer une bonne gestion du registre
Pour une gestion efficace du registre des mouvements de titres, il est indispensable de procéder à un suivi rigoureux :- mise à jour régulière systématique après chaque mouvement ;
- désignation d'un responsable dédié à la gestion du registre ;
- mise en place de protocoles de vérification des inscriptions et des mentions obligatoires ;
- archivage sécurisé des versions antérieures ou de l’historique du registre ;
- formation du personnel concerné par la tenue du registre.